L’humeur du taulier

Tous ceux qui ont le bonheur d’avoir affiché leur passion du cigare sont toujours confrontés à deux choses qui semblent être obligatoire :
– Le cliché associatif, le fumeur de cigare est obligatoirement un trou du cul richard ou wanabe qui s’affiche
– Le cigare pue, est d’ailleurs le trou du cul précité fait exprès d’enfumer les autres avec un barreau de chaise pour prouver son mépris

Le pire dans la plupart des cas est que si on tente de faire entrer la personne, la réaction est souvent épidermique. On peut là aussi comprendre que la perspective de se transformer socialement en trou du cul ne soit pas des plus plaisantes.
Et c’est souvent une guerre perdue d’avance. Ils restent distants, les bras croisés, quite à s’envoyer un demi paquet de blondes chimiques dans le palais pendant qu’ils se refusent obstinément à briser cette association. Encore hier, je fumais simplement et j’ai vu passer les gens faire la moue, voir la grimace. 

On fume des cigares parce qu' »on a de la thune », parce qu' »on frime », de la même façon que si il y a 5 millions de chomeurs, c’est parce qu’il sont tous fainéants et assistés, que les fonctionnaires ne travaillent pas, etc,etc…
Même si le sujet est trivial (après tout, le cigare est un plaisir pas une nécessité), il fait souvent réflêchir à ce que nous sommes devenus. Les idées reçues, qui deviennent quasiment un phénoméne d’hypnose collective. Et il me prend parfois à me dire : comment veut-on faire comprendre des idées et des cultures différentes, quand même sur quelque chose d’aussi trivial que le cigare, on se confronte à des préjugés radicaux et sans fondement ?

En blanchissant sous le harnais, on prend plus de recul et on commence à ne plus se justifier. Quitte parfois à assumer. Je regrette souvent que le cigare soit plus associé à Paul Lou Sulitzer qu’à George Sand, mais c’est ainsi. Malheureusement, le cigare a servi de présentoir à l’égo de personnes de peu de goût, voir de peu de moral, mais la cupidité qui sévit actuellement faire que le cigare est plus attaquable que la personne, après tout, personne ne mord la main qui potentiellement peut nourrir.

Quand j’étudiais l’économie, un des seuls principes qui s’est vérifié vrai dans le temps (en même temps, l’art de l’économie est plutôt d’osciller entre différents niveaux de granularité pour expliquer en quoi on s’est trompé) n’est pas celui qui m’a valu de me faire traiter de communistes et quasiment de me faire ex-communié pour avoir dit que le crédit était uniquement un vecteur d’accèlération du déclin du capitalisme, soit l’instant où l’usure se substituant à la valeur ajouté, seule la dérivation de la dette peut continuer à créer une croissance financiére artificielle (et indépendamment du fait que je vis aujourd’hui un plaisir malsain et amer à me rendre compte que j’avais raison) ; non je parle de quelqu’un qui a dit quelque chose de complaisant aux vrais profiteurs : le coefficient d’engels.

C’est à dire simplement et transcris avec les mots de notre époque; que quand on a de l’argent et que l’on consomme, on consomme social. On pourrait dire qu’Engels est même demeuré candide vis à vis de cette loi car il a ignoré qu’une des vertus / vices de notre économie serait d’utiliser la consommation comme moyen d’exister socialement.

Malheureusement, deux terminologies sont entrées alors en conflit : épicurisme et hédonisme.

Souvent les gens utilisent l’épicurisme pour décrire le gouts de bonnes choses, mais l’épicurisme est bien plus que ça et nécessite souvent une vraie relecture de l’oeuvre de son géniteur : Epicure.

Contrairement à l’idée communément reçue (j’aime les bienfaits de la vie, je suis donc épicurien), l’Epicurien a un registre de valeurs fondamentales qui le rend capable de donner de la valeur à toute chose, et de ne pas fonder son bonheur sur des choses inutiles, l’Epicurien est donc celui qui avant tout reconnait l’utilité de la modération dans son bonheur, et dans le cas le plus radical, valorise la rareté à son juste prix.

Cette doctrine, finalement simple, est remplie du bon sens populaire et pourrait même finalement convenir à cette phrase que de nombreux parents utilisent  ; le sens des valeurs.

L’hédoniste lui est dans une quête décadente du plaisir, et principalement le plus proche de notre société actuel : obtenir une satisfaction immédiate, avec une mesure de la conséquence future qui soit inutile.

Vous me direz : « Bof, c’est pas si vrai »…Et malheureusement si…
L’écologie prouve que le monde aujourd’hui pour son bonheur immédiat est peu enclin à changer sa façon quotidienne, donc que les conséquences futures intéressent peu et que l’autre intéresse peu
La consommation n’est plus un acte raisonnable, mais bien un plaisir immédiat pemettant de se distinguer des autres

La financiarisation excessive est un des catalyseurs de ce mode de fonctionnement : on peut donc on consomme, et le plaisir est la consommation, non plus son utilité.

C’est ainsi que l’on voit tous les jours ce shéma tout corrompre, le luxe et le raffinement devenir putassier, le bon goût devenir le jeunisme, le sens commun devenir du snobisme, la liberté devenir sécuritaire. Et c’est précisemment là que le cigare na rien à voir avec le bling bling, avec l’argent. Oh bien sur, comme toute chose qui est de valeur, c’est possible et ça existe. Mais ce n’est pas la réalité.

Bien triste celui qui enquille les cabs et boites juste au prix, les entasse et les amasse sans les aimer, c’est vraiment une triste punition et un triste choix. J’en connais oui, malheureusement.

Moi quoi qu’il arrive, je resterai un gars simple avec des envies simples : quand j’invite mes amis et que je leur fais à manger et que nous fumons et buvons des bonnes choses, c’est parce que dans mon équilibre et mes valeurs, la fraternité est importante, donner est important. Je ne « réseaute » ou ne « networke » pas, je n’ai pas de relations utiles, pas de caste d’école, pas de caste de groupe. Je ne sers pas des vin chers ou de renom ou les dernier hype, mais je sers des vins dont j’arrive à apprécier et à valoriser (au bon sens du mot) le travail du vigneron, tous mes aliments ne proviennent pas d’endroits convenus, mais je connais le prénom de chacun de mes commerçants, et j’ai défini moi-même mon rapport à leurs produits, je les apprécie de ma propre initiative. Quand un pote passe à la maison, c’est parfois la bonne franquette, et j’aime ce môt et sa chaleur.  Je suis Epicurien.

Mes caves à cigare sont simples, j’en prends soin car je respecte la valeur des choses, c’est mon petit jardin personnel, et c’est un plaisir que j’aime partager. L’odeur, les déplacer, les vérifier, les toucher, les humer, respirer l’odeur de la cave, regarder l’hygrométre, les ranger. J’apprécie d’autant mes cigares que je sais comment j’aime en profiter, que je sais pourquoi j’aime les cigares. Parce que j’aime les moments simples de la vie, les moments de partage, d’échange et c’est ce qu’est le cigare. Un instant où on profite de la vie autrement que par un prisme de société ou de culture. Un moment à faire partager.

J’ai la vitole simple et sans chichi, qu’elle se nomme Cohiba ou Piedra, qu’elle soit cubaine ou hondurienne, le cigare véhicule de bonnes valeurs, qui n’ont rien à voir avec cette vision profane du fumeur matérialiste qui fume ostentatoire. C’est un des aspects marginaux du cigare.

Si vous voyez un type qui a ma tête fumer un cigare, plutôt que d’y voir un moyen d’enfumer la terre et de m’afficher, venez m’en parler, venez découvrir, ça se pourrait qu’on aille faire plus ample connaissance autour d’un canon.

M’enfin vous savez ce qu’on dit des gens qui boivent…., méfiez vous ! Déjà que vous vous étes fait enfumer sur le cigare !

2 Commentaires

Voila une humeur qui me plaît, MERCI !!! Je suis comme toi, un homme de plaisir simple, amateur de cigares, connaisseur en vin qui adore un bon repas avec ses amis. Le meilleur moment, c’est lorsque tu débouches une bonne bouteille ou lorsqu’une fois la cave à cigares ouverte, tu proposes à tes amis de goûter et que tu sais, tu sens, tu vois et enfin tu es sûr de leur avoir fait plaisir.
Tant pis pour ceux qui ne comprennent pas, l’ignorance n’est pas un crime, c’est une maladie…Chacun sa façon de la soigner.
Merci encore pour ton blog, lecteur assidu, je me régale de tes commentaires ! Il faut que tu continues !

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