Pas Nawak

Billet ouvert – De la notation

On m’a posé une question qui m’a fait m’en poser d’autres. Affliction courante des chasseurs de volutes et autres nomades de la réflexion, je ne maitriserai jamais l’art de la réponse simple, et au temps pour mes aspirations politiques.

Simplement pourquoi je ne note pas.

Implicitement, c’est vrai que quand je livre mes impressions sur un cigare, quoi qu’on en pense, quelle que soit la tournure de la phrase, c’est un jugement. Et en l’état un jugement de valeur.

Si j’avais le montage Descartiens, je dirais en pratique que oui, je devrais objectiver mon expérience de fumeur et être capable d’en déduire une note en divisant mon expérience en autant d’éléments que nécessaires, d’autant que bien souvent, je ratisse large, n’ayant pas le goût d’obfusquer tel ou tel facteur, dont le judéo-chrétien tabou prix du cigare.

ndlr : Oui je mets le facteur prix car il est un élément concrèt du cigare et que fumer une daube à 20 E; c’est pénible et qu’à force de faire le marketing du « le pognon, en parler c’est un  truc de pauvre » (concept marketing d’HEC et autres écoles qui font du marketing du luxe), on se fait mettre des cigares mauvais soit, mais en plus chers, ce qui a tendance chez moi à transformer la déception en déplaisir.

Maintenant, j’ai aussi un vue plus utopique et plus personnelle qui est juste résumable à : Fuck it !

Je passe mes journées dans un monde où tout est quantifié, statistisé, noté, « rated« , évalué…et ça me gonfle. En tant qu’être social, éduqué, vivant dans une société avec ses repéres et ses contraintes, je l’admets. En tant qu’individu, le monde des technocrates et des noteurs est un monde qui non seulement m’ennui mais qu’en plus je perçois de façon négative, car je ne crois pas à l’impartialité d’une façon générale. Moi, toi lecteur, lui opposant, eux d’une autre culture, chacun est partial et nous notons plus souvent un ressenti qu’une réalité, dont de toute façon le caractére axiomatique est franchement douteux. Sauf qu’aujourd’hui, avoir un avis, c’est polémiquer ou être partisan. Voir bientôt si je dis que les cigares cubains ne me plaisent plus, on me taxera de racisme et de propos discriminatoires.

La langue de bois dans le cigare, source normalement de plaisir complêtement superflue à la survie de l’humanité, ne sert à rien. Elle sert juste à ce que chaque année des producteurs peu scrupuleux déversent des demi-roues entières de cigare plus ou moins bien roulés, plus ou moins bien assemblés dans nos civettes, plus ou moins agréables.

Autant qu’en bon humain déçu du monde, comme on peut l’être à lire la presse, ça m’emmerde (ce n’est pas vulgaire, c’est l’expression la plus sincére du sentiment en intensité) de voir des gamins évalués de plus en plus tôt, de voir que le monde courre à sa faillite pour des notes de complaisance,  de voir le monde par la synthése comme si l’esprit de synthése était le meilleur concentré d’intelligence qu’est capable d’éjaculer un cerveau occiendal. Bref, si à ce niveau ça ne s’est pas encore perçu : le principe de tout noter, classifier, ordonner est un principe qui m’agace voir a tendance à me démanger. Et au simple motif qu’il est avant tout aujourd’hui liberticiden, et que cette vision du monde ne me fascine que dans un Terry Gilliam.

Donc en un, je dirai : je suis contre le principe même de la notation.

Je suis pour l’avis, et la nuance, voir le débat (et parfois avec le verbe haut), d’autant que c’est un sujet sans gravité réelle. Le soleil va se lever parce que j’ai fumé un mauvais Cohiba cher
– la belle affaire.
Je vais lui mettre un 2 et me fâcher tout rouge
– La belle affaire
…Sachant que déjà normalement, ici, je me fâche.

De deux, je trouve l’exercice périlleux, même si je vois certains avis relativement ojectifs (je pense par exemple à Thierry et ses cigares et son échelle) où dénués du côté comminatoire et pompeux de la note (Bouddhaenshort ou Edmond), j’avoue que quand j’essaye de les réconcilier, ça ne m’apporte guére plus d’informations que de lire leurs avis (qui en plus sont généralement plus savoureux qu’une simple valeur numérique). Disons que ça vérifie le côté finale de la note : elle n’engage que celui qui la produit.

Déguster un cigare, ce n’est pas résoudre un problème d’algébre ou répondre à un QCM sur la physique. La note est un espace de pont relationnel d’une infinité de paramètres abstraits et interdépendants vers une synthése d’éléments complétementobjectifs – et là même moi j’ai du mal à me comprendre.

La pire note que j’ai lu sur l’univers du cigare est celle qui reproduit les notations des agences. J’avais vu des notes genre BBB-. La note sert aussi parfois à cela, à donner cette forme de pouvoir un peu idiote au noteur. Genre, je sais comment sont notés les papiers sur les marchés, alors tu penses ! Noter un cigare, c’est piece of cake. Bref, un côté ridicule, et ce n’est pas non plus la démonstration d’une grande pureté intellectuelle que de copier le « travail » de ces baisers de la mort économique que sont les noteurs et travailleurs de la dette. A l’emporte piéce, quand je vois ça, je me dis plutôt qu’il mettra AAA à Cohiba et forcémment BBB ou moins à ce qui coûte moins cher, mais sans prendre le prix en considération – c’est sale. Bref, au prestige ?

C’est en plus un exercice périlleux que de trouver une échelle de notation valable, compréhensible de tous, partagée par tous et surtout référente. Parce que finalement, c’est un peu ça que signifie une note sur un cigare : un consensus sur ses qualités.

Sachant que tout fumeur m’accordera que le cigare est un moment ciomplexe, qui ne se résume pas qu’à fumer des tiers avec 1 bouffée par minute en rétro olfaction, ça devient une combinatoire quasi infinie, et que l’utilité de faire une simulation de monte carlo pour vérifier la validité de la note d’un cigare par la loi des grands nombres ça fait un peu con quand même.

Je garde de mes années aux beaux-arts un concept qui est le suivant : j’aime ou je n’aime pas, et j’essaye (et vu ma capacité à m’énerver tout seul, c’est pas simple) de ne pas généraliser.

A côté de cela, je ne machouille pas non plus mes branches pendant que ma douce fait sa girly empallée sur un kinsky, et j’aime pas les avis qui ménagent la chévre et le choux. J’abhorre le consensuel, la positive attitude, la complaisance, les ronds de jambe et les petites phrases. J’aime les avis posés, nets et détourés. J’aime le parler viril. Les burnes molles « happy happy joy joyfull », c’est pas ma tasse de thé. Ca me les broutes. Ca m’irrite. C’est comme ça, c’est mon côté ours, voir primaire. J’aime pas les précieuses, j’aime pas les discussions girly et j’aime pas les avis mous. Typiquement, je ne suis pas franchement d’accord avec twangking sur tous ses posts ou avec Erwann – Breizh vaincra, mais j’aime les cojones dans le ton. Dans le cigare malheureusement, tous n’est pas bon. Je crois au désaccord, bref je crois en la vertue d’une certaine entropie.

Soyons honnête, il reste 3 possibilités immédiates pour un cigare : bon, passable, mauvais. Le passable étant un supposé bon, mais dans le mauvais contexte.WTF ???? Les seuls fumeurs qui finissent les mauvais cigares sont les courageux qui bravent la torture au bénéfice d’une communauté qu’ils informent. Nul ne mérite d’être inconsciemment confronté au Cortés.

En outre, il existe suffisamment de vendus à la cause (comme des cigar afficionados) qui ont réolu le problème de la même façon que tous ceux qui notent et font du business : on ne tue pas la poule aux oeufs d’or. Donc note oui, mais 100% de ‘bonnes’ notes. Et là on se dit : à quoi ça sert ? A quoi ça sert sur une échelle de 0 à 100 de mettre 91 ou 92 à un cigare ? Quel niveau de stupidité habite celui qui a inventé l’échelle, je ne sais pas, mais probablement la même que celui qui a noté la grêce, l’italie, les pays de l’europe et les états unis – On m’informe qu’il avait aussi sévi sur l’argentine. Simplement, c’est l’histoire de nord américains qui font des sites et vendent de la pub. Mais qui sorti d’un fabricant de cigare va avoir un intérêt à payer un espace de pub sur ce site ? Personne (bon si, 3 pékins qui vendent des caves made in china ou des boutanches frelatées). Et comment écouler les stocks de cigare bundle frelatés si ils sont explicitement notés comme des cigares pourris ????? Quand la réalité économique frappe le journalisme cigaristique, cela donne des résultats finalement cons : le noteur se drappe dans sa dignité et donne une note dans le range des autres, mais jamais mauvaise (comme si tous les cigares étaient bons…) parce qu’on ne mort pas la main qui vous fait bouffer. Loi d’or économique anglo-saxonne.

Alors face à tout ça, extrapolons. Nous laissons faire ces noteurs qui ne mangent pas de grenouilles et dans 5 ans, on verra apparaitre le Cigar Default Swap. C’est simple. Selon une loi normale (au début, c’est plus simple, on changera quand ça sera parti en couille),  on supposera que chaque cigare peut être défectueux (bouché, mauvais, mal conservé) selon un taux de probabilité déduit de la dite loi normale, qu’on finira par évaluer avec un test de jarque barra qui sera faux et de toutes façons et on s’en fout,  et par paresse encore on dirait  pour la loi une moyenne à zéro et un écart type égal à 1. De ça, je vais produire une formule mathématiquement idiote – et qui conviendra à tout le monde parce que l’homme est fainéant  – disant que pour une somme plus faible que le prix d’un cigare, que tu payes, si jamais ton cigare est défecteux, tu me le donnes et je m’en débrouille, et moi je te trouve soit un cigare qui marche bien, soit je te rembourse (en gros je te rachéte ton cigare) parce que j’ai déterminé que dans le future ton cigare vaudra plus et ce de façon invariable et que l’argent coutera plus cher obligatoirement – la croissance est infinie, tous les fous et les économistes le savent. Et tout le monde pourra le faire. Ainsi, on aura vraiment la possiblité de trouver un cohiba pour plus de 10 000 EUR, avec pleins de gens qui diront ‘non non, c’est une infra bouse’ car ils auront compris que pire est la note, plus faible est le prix (une manipulation de marché). Je pourrais créer ainsi une banque du cigare, et sans être fumeur, je pourrais facilement spéculer et gagner de l’argent avec les cigares….Heu…Wait…Ah j’ai oublié : sans plaisir et sans morale – la perfection n’est pas de ce monde. Mais au moins, on saura noter les cigares avec une utilité relative. Et accessoirement, je dominerai enfin le monde.

Bref, non je ne note pas et le monde s’en porte bien:-)