Le prince, La danseuse et le fog

J’étais profondément enfoncé dans un canapé en cuir dont l’odeur légère de trop neuf se mélangeait  à mes volutes.  Ces volutes cubaines, épicées, dans lesquels je me perds souvent.

Je refais le match.

Qui à me voir pourrait croire que je voulais juste fumer un cigare ?

C’est la seule chose qui me fascine ce soir !

Sa patine, sa légèreté, son côté sous-bois, c’est un vieil homme. Comme moi. Un peu rugueux ; qui gagne à être connu et qui n’a pas trop mal vieilli – Le cigare bien sûr.

Elle, elle est magnifique. Une ode à la jeunesse, un charmant accent anglais, la fraîcheur d’un veau élevé tendrement sous la mère. Après tout,  je suis un gentleman.

C’était un moment plein de poésie, ou la violence du matériel me permettait de fumer un cigare dans un canapé à la condition de devoir regarder une gamine de 25 ans s’exhiber en riant devant moi.

J’avais besoin précisément de ce cigare. Un Prince of Wales, un Roméo et Julieta. Pas pour l’image pompeuse de l’amour shakespearien et du drame de l’individu.

Quand j’ai traversé la vallée des ombres, ce soir-là, il fut mon gardien. Certains me casseraient les couilles à me parler de religion et de spiritualité, tous ces bœufs qui se croient libre à ne rien savoir et être mécréants. Le monde est trop plein de tous ces gens qui se nourrissent de vide. Tous ces fainéants qui ramènent leur libre arbitre a tout faire pour n’exister que dans l’œil de l’autre.

Les yeux plongés dans la chatte d’une jeune anglaise de Mayfair ;  comme si l’origine du monde devenait le parfait point de fuite de la vie ; j’ai compris pourquoi ce Roméo et pourquoi le cigare avait cette influence sur ma vie. Il est parfois nécessaire de ne plus rien aimer sur terre pour que la plus petite chose soit un bonheur instantané – comme ce cigare.

Comme des caricatures vivantes ; nous étions arrivés avinés dans ce club ; ou tous les clients nous ressemblent – et ou surtout ceux qui ne nous ressemblent pas sont refoulés.

Les restes de cocaïne finissent paisiblement leur vie dans nos narines   et ses effluves amers se mélangent aux restes d’un vieux cheval blanc quelconque mais cher – donc excellent ; si j’en crois les manières du métro sexuel londonien qui me l’a servi.

Je m’en tape en fait. Le bon vin c’est quelque chose qui se partage et là il n’y a rien à partager. Juste de l’argent à dépenser. Et dans ces cas, il n’existe qu’une chose que l’on puisse s’offrir : du faux. Du paraitre. De l’ersatz. De la girlfriend experience.

Le quartier des tous les excès et des Ferrari qui couche dehors. Un restaurant passable mais agréable, des discussions de boulot ou on se moque de ceux qui réussissent moins, et on a refait certains matchs. Les filles seules minaudes, l’endroit sent l’argent, le bon gout est absent. Ça n’a pas d’âme, bienvenue au purgatoire.

Je me fais chier. En fait je crois que tout le monde le voit ou le devine. C’est la demi-vie. L’excès c’est ce qui demande le vrai courage. Celui d’aller au bout.

De toute façon je ne connais que l’excès. La raison m’ennuie et les gens raisonnables me font chier.

 Uber nous amène. La classe d’une berline allemande avec chauffeur au bout des doigts de tous les connards de la planète, principalement parce que c’est moins cher qu’un taxi.

Nous arrivons, le rideau s’ouvre, l’accueil est payant. Le vestiaire est payant. L’endroit est plein d’hommes aux yeux rougis par l’alcool qui ne veulent pas rentrer, ou sont seuls, et qui se transforment en caricature des loups de wall street. Nous inclus. Le magnum de champagne arrive. Les filles aussi.

Je regarde Mitch, one glass, one man down. Nous avons compris, nos boissons sont augmentées. Pratique courante de beaucoup d’établissement londonien. Il y a la drogue du violeur et la drogue de la stripeuse, celle qui ne te viole mais te laisse suffisamment inconscient pour te prendre ton pognon affaibli et docile. Et le lendemain tu te réveilles avec une armée de castors dans ta tête et ta carte bloquée.  Sauf les jours ou un narcotique éveillant chemine dans ton cerveau. Ça me fait rire. Alors on passe à la bouteille. Opening in front of us please – not negotiable

Les magnums se succèdent avec des hordes d’hôtesses payées pour nous vider les verres en nous faisant croire qu’on se fera vider les couilles et nous faire consommer – That’s the game. Tu veux jouer au loup, et ils t’ont vu, ils viendront tous essayer de te baiser.

Les jeunes m’envoient les filles, comme de la viande de bœuf au meat grinder. Certains sont trop gentils pour dire non. Certaines sont pushy. Certaines fois il faut parfois savoir dire : fuck off. Et à les croire j’ai un talent pour ça.

On nous ouvre le salon VIP, et ils le remplissent de filles dénudées. Bordel si j’étais né dans une cité chez les beaufs, la plupart pourraient être mes filles. Impossible d’être assis seul, je suis devenu irrésistible. Je vais voir le manager du VIP room et demande à fumer un cigare. Il me regarde calmement, se demandant si c’est un caprice de rock star ou si je suis simplement le seul être humain peuplant son club ;

Il me dit que je peux fumer dans un salon privé et que ça coute une danse d’une heure avec une fille. Les gars ont acheté un stock de danses, donc pourquoi pas. Je lui dis ok pour une danse privée sans danseuse. D’un flegme anglais remarquable il me dit qu’il envoie sa plus jolie fille pour ne pas avoir de problème. Just focus on your cigare.

Voilà à peu de choses comment j’en étais arrivé là.  Le second tiers de ce cigare est atteint, alors qu’il m’a bercé tout le début. Les volutes participent à un rêve lucide.

Voilà à peu de choses comment j’en suis toujours arrivé là. Une succession chaotique de tentatives de comprendre et donner du sens a la vie. Et un peu de béatitude de découvrir que l’humain ira toujours plus bas. Autant je n’aime pas les gens, autant je suis voyeur. Je n’aime pas les animaux, mais le concept de zoo me fascine.

Prince of Wales. Je souris en repensant à la boite bouchée d’un week end. Ce cigare est devenu une putain de légende.

Et pendant que j’ai devant des jambes qui se croisent se décroisent et un sexe épilé qui s’effleure, je pense à ces bons moments avec des bonnes personnes. Je les aime bien, juste je ne sais pas être chaleureux. Ni être présent. Je sais être là un moment et partir. Comme mon cigare.

C’est ce second tiers qui m’emmène ailleurs. Cette ersatz de musique au tempo lourd supposé assister le déhanché des gonzesses est loin,  et cette nana je m’en tape totalement. Tout m’indiffère, je suis dans ma bulle. Je fume paisiblement. Au milieu de l’enfer, j’ai trouvé un moment de paix.

Hilares, mes coturnes décident de financer une seconde danseuse, et c’est à l’entame d’un dernier tiers qu’apparait un spectacle irréel. Un chaos de rire, de shots, de parfums capiteux, et de lourdeur. Tout parait pourtant cotonné, comme dans la torpeur. Et pourtant mes sens sont alertes, je sens tous les arômes du cigare.

Tout le monde rit. Parce que je suis tellement concentré sur mon cigare que le spectacle d’ordre lesbien qui se déroule à un mètre de mon genou m’indiffère. La fin est puissante, rassasiante, comme ce cigare que l’on fume avec plus d’avidité, alors qu’il a perdu toute sa superbe et n’est plus qu’un petit morceau de tabac.

Welcome to sofisticat Sir.

 

 

Le D6, la simplicité et Germain

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S’echouer. Une consonne et une apostrophe séparent l’échec de la vacuité. S’échouer c’est avoir la lucidité de contempler le vide et de l’accepter. C’est arrêter de persévérer dans la vacuité pour la regarder droit dans les yeux et lui faire l’amour. Et là, bordel de dieu, nous avions formidablement réussi à nous échouer – prêts à rire de nous.

Des putes pas terribles, des âmes perdues pleines de bière bon marché. Le glauque a une odeur.

Nous pouvons tout avoir. Même ce petit bonheur affichable, vous le connaissez le propret chiantissime. La médiocratie. Les crédits pas trop négociés, les comptes relativement gérés, les dépenses raisonnables, le temps contrôlé.

La chiantitude plus étouffante que le cul d’une statue de Nikki de Stalle. Mourir  étouffé dans la chiantitude des problèmes de presque-riches. Et pour autant rien de ces vies exemplaires ne semble réel face à cela.

Tout ici semble décomplexé. Le paraître a abandonné la taule, il est partie baiser retenue pendant que culture les filme. C’est le genre de lieu où on fait un anulingus au monde en riant. Ça ne serait presque pas mauvais.

On reprend espoir.

Elle me propose un cigare. Elle m’a vu fumer une fois pendant que j’écrivais. C’est un mille-fleur.  Je ne fume jamais de petits cigares. Pourquoi ?

Parce que je suis un jouisseur. Je ne veux pas baiser tous les jours, mais quand je baise je veux toucher du doigt la possibilité du paradis. La quantité et les quickies ça ne m’intéresse pas. Le côté compulsif (fumer par contrainte du temps) ou rationnel (mais quel rapport qualité prix) me feront toujours chier. Chier – oui parce que l’ennui est une notion polie. Pas comme l’envie de me suicider qui me prend quand je ne parle à des normopathes. Ceux qui vous parlent du temps qu’il fait, et qui gaspillent son autre définition dans des palabres insipides. Comme certains plats, certains gens manquent de sel. Ils le savent souvent d’ailleurs. Moi pas. J’aime vivre et profiter. De toute façon ils vous répondront toujours qu’il risque d’y en avoir trop – du sel.

Là, c’est juste une attention, peut être du clientélisme ou l’invitation à essayer une des filles. Je ne saurais jamais. Quand j’ai demandé, elle m’a juste répondu « c’est comme ça t’as l’air gentil» avec un sourire. Que comme je suis un con je n’ai pas du savoir rendre avec autant de simplicité elle a du regretter.

Donc j’ai pris un D6. En fait c’est la premiére fois que je suis content de croiser un petit gros. Souvent du fait du cumul des mandats, les petits gros sont chiants. Royal au bar, elle me file un coupe chou et un torche prince.

Et il y a un cote amusant à fumer cigare à côté d’un vieillard qui négocie le prix de sa pipe a une jeunette, d’un cubain complètement torché qui essaye de me vendre du cuaba sous cellophane, d’une gérante de bar a pute qui vire un habitué mauvais payeur. Certains vont y voir de la perversion.  Moi j’ai regardé tout ça en écoutant l’Ave Maria de Caccini.  Le D6 au milieu de ce cloaque, c’est un peu perçu comme un signe d’aristo-crasseux.

Bogachyova a une voix tellement magnifique et les saveurs boisées de ce partagas l’accompagne bien. Ça reste chiche, c’est pas dans la grande classe cubaine. C’est simple mais bon.

D’où je suis-je vois de la vie. Ça me rend voyeur. Je les observe. Ce sont les héros de mon récit. Et les volutes simples accompagnent parfaitement cet état. La volute cubaine se mélange à cette odeur de patchouli qui doit cacher les odeurs corporelles.

Car au milieu de tout ce constat qui ferait hausser les sourcils a Germain et Constance, mariés, propriétaires avec un crédit de 20 ans sur le dos, parent d’une petite gamine qu’ils ont affublé d’un prénom à la con pour lui donner l’illusion d’une bonne naissance et qui partent chaque année en vacance aux même endroit, eux sont gentils. Des vrais gentils. Des vrais gens. Ceux qui n’ont rien et qui donnent tout. Comme un cigare sans prétention.

Il fait de son mieux ce petit D6. Et pourtant j’en ai eu du gros du grand du lourd  et du visible. Bouchés, mal roulés, putassier. Là ce petit sans prétention se fume. Avec du gin tonic. J’ai plus de tonic Monsieur ; j’ai mis de la limonade. Je m’en fous je ne suis pas venu faire l’esthète. Je suis venu jouir de simplicité. Et il fait le job ce petit con.

Ce paysage, ce D6, ces gens, cet ave maria, c’est comme boire un canon avec Buk, Le Vieux Dégueulasse, et Hemingway en se foutant de la gueule de Balzac.

Quand des gens humbles et retenus font de leur mieux pour être gentils ; même dans le pire des cloaques c’est ça jouir de la simplicité.

Et c’est là que j’ai rencontré Germain – Et oui tu as encore cru que j’assouvissais ma sociopathie mais non, il existe. Sous son apparence proprette, Germain est une bombe humaine. C’est le half man. Il est là, à l’affut du moindre corps qui s’exhibe pour se vendre et fait un geste incommodé pour chasser la fumée. C’est un réflex quasi-panurgien. Pas de doute, c’est comme ça que je t’ai reconnu. Tu viens ici, et même là tu arrives encore à nous envahir de ta bonne pensée. Je reconnais le spritz que tu bois à la paille ont aussi grandement aidé. Il mâchouille sa paille aussi fort qu’il aimerait aller mâchonner un têton de pute dans le sex center en face.

Il me demande si je viens souvent. Je lui dis, oui je viens écrire et rencontrer des humains. Il est bloqué. Stack overflow. Je lui demande ce qu’il fait si loin de son rivage, en pleine jungle. Il ne sait pas.

Moi je vais te le dire, comme ce petit D6 bosse bien et que tu es venu troubler mon cigare alors que je t’avais rien demandé. Tu es venu parce que tout au fond de toi, ta Constance elle te gonfle. Tu baises comme tu es. Fade, pépère et certainement dans le noir et au mieux en missionnaire vu qu’à force bouffer de la merde et de boire du spritz la seule chose qui t’arrive dans l’exotisme c’est de te faire une crampe à la cuisse. Et bizarrement, tu aperçois ici une forme de bestialité qui te fait comprendre ce que tu as le mieux réussi dans la vie : ta castration. T’as tout compris.

Mes volutes s’envolent, le petit est un rustre bien poivré. Il est devenu bien puissant et bien sur le cuir, ou alors c’est le tonic. Elle passe en riant effleure le bras de Germain qui en devient cramoisi. La scène me fait rire. Alcool et cigare ça détend. Elle  et me demande de goûter je dis « non merci », elle me dit à cause de…et je finis sa phrase : du goût potentiel de la bite d’un mec qui contrairement à Germain aurait réussi à te filer 100 balles pour une turlute ? Oui tu as gagné. Si tu veux je te paye un verre, mais je ne cherche rien.

En revanche Germain – mon Germain ! Elle est déjà collée à lui. C’est rigolo un Germain qui veut faire l’homme avec une pute. Elle l’aguiche il se voit grand séducteur. Malgré ses heures de vol et son allure pas exactement princière, Germain sent son clitoris à l’affut.  Dans son coupe-vent informe, il compte mentalement l’argent qu’il a dans son portefeuille. Germain a déjà trompé sa femme. C’est fait. Il n’a juste plus les burnes d’aller au bout. Germain, oh mon bon Germain, tu viens de te faire bitch slapper par la vie.

Mais le mal est fait. Mon cigare se termine, et bizarrement il a magnifiquement accompagné ce moment. Je l’ai fumé a m’en brûler les doigts. Comme quoi j’avais des préjugés sur les petits gros et je me suis loupé.

J’y reviendrais au D6. Merci Antho, Jean, François.