Je me souviens particulièrement bien de ce cigare. J’étais parti glandouiller à l’Île de Sal, qui est quasiment composée de sable et de roche, bref, un paradis apocalyptique, et encore un bon truc à brulure pour moi.
Pour ceux qui ne connaissent pas le Cap Vert, et plus particuliérement l’Ile de Sal, c’est ça :
Du sable, du sable, des kilométres de sable, de l’eau, puis du sable et encore du sable. Et ce soleil, il pince. Il y a une forme de masochisme européen à toujours chercher un soleil qui nous fait affreusement mal, nous force à défigurer un pays pour pouvoir y installer la clim’, et pour lequel nous somme prés à payer. J’était vacancier sur ce paradis désertique.
J’étais coincé entre Shark Bay (un dessin ??) et une plage où le courant était bien trop fort pour que j’aille trainer dans l’eau avec mes rejetons, qui d’ailleurs où que j’aille préfére la piscine. En même temps, c’est là qu’ils se font des potes avec les enfants des parents qui eux n’ont aucun scrupule à caser les geignards dans ces horribles clubs machins. Mes enfants me l’avaient demandé, pour sur, jusqu’à rencontrer l’animatrice française en charge qui avide de confirmer certaines théories sur la France à l’étranger était la définition de la quérulence. Et bref, la philo de plage et les théories sur les diplômes de tourisme, ça va deux secondes, surtout quand pendant ce temps c’est l’intégrale de Winny l’ourson dans un bungalow sans clim parce qu’elle est toujours malade.
Donc, je poursuis. Comme à chaque fois que je suis en vacance, je m’ennuyais grave. Et l’ennui c’est une catastrophe sur moi. Je ne supporte pas de m’ennuyer. Et l’ambiance je pose ma serviette à 7:30, de 8:00 à 8:30 je prends le petit déj, je bronze brule en buvant des cocktails gratuits frelatés, ben ça me gonfle. Ca devrait pas, je devrais mesurer ma chance de pouvoir aller m’emmerder quand je veux n’importe où dans le monde, mais sur l’instant, ça me gonfle.
Quel rapport à la choucroute ? Prévoyant, j’avais mes munitions, et top of the pop, l’Ile de Sal s’avère être un grand humidor géant : température stable, hygrométrie naturelle élevée, et de l’air. Bref, ma boite de joufflus se portait bien. Et un après midi plus gonflant que les autres car la veille au soir j’avais partagé l’apéritif avec des russes que j’avais dépanné d’un paquet de cigarettes (bref, j’ai pris hyper cher, et c’est la première fois de ma vie que j’ai reconnu être incapable de me lever d’un fauteuil), je me suis discrêtement eclipsé dans le lobby de l’hôtel avec mon barreau de chaise, ma boite d’allouf et le coupe chou.
Je me suis allongé de tout mon long dans le canapé du lobby, j’ai demandé au serveur un VRAI cuba libre, j’ai collé ma musique et j’ai entamé le processus.
Je me souviens précisemment de CE cigare. La première partie était toute en douceur, bref je le fumais sympathiquement sans vraiment y penser, je me disais juste que j’étais peinard sans la bande de touristes qui veulent toujours qu’on sorte ensemble, savoir ce qu’on fait dans le vie, et où on habite, et si on a remarqué que l’autre jour un des plats était froid, et que l’animateur parle pas bien le français, ce qui est surprenant sur une structure de 12ha qui accueil 100 français sur les milliers dispos. Une douceur apaisante, et berçante et je goutais enfin à ma solitude chérie. Non pas que je sois sociopathe, mais disons que j’ai un goût très limité pour les relations intrusives et artificielles. (Ce qui fait beaucoup au quotidien, et sans sarcasme).
Et là j’ai honteusement menti, j’ai dit sur un forum public avoir traité mon cigare de « petit bluffeur ». En fait j’ai dit « petit enculé » quand d’un seul coup le second tiers m’a fait sortir de ma rêverie et m’a mis un uppercut dans le palais. Juste pour me signifier d’arrêter de m’enfiler des Libertadores et des Cuaba. Et j’ai passé un grand moment avec ce cigare. Je me souviens même avoir pris cette claque sur un bel album d’Omara Portuondo et sur ma première écoute d’Ibrahim Ferrer, Mi Sueno – C’est du grand classique, mais je ne suis pas musicologue option cubanitude.
Oh bien sur ça et là un ou deux Français sont venus me dire de ne pas fumer, et honteusement j’ai répondu « russki…Just fuck off ». Dommage qu’un a tenté de draguer ma femme. Il m’a d’ailleurs dit « Mais t’es pas russe », « Ben non, mais toi t’es pas fidéle ».. Et autant parfois quand un homme drague ma femme, je me dis que j’ai de la chance, voir parfois que je vais me marrer, autant d’autres, on a envie de croiser les mythique YTTM et YFMW en YTTMF ????? Je sais c’est mal, mais parfois faut préserver son bonheur et ce n’était pas la France, pas d’entorse au droit local.
Et ce plaisir de se prélasser dans ce lieu, affaler comme une merde, il faut le reconnaitre, en train de suçoter mon barreau de chaise heureux, ben je m’en souviens. Je l’ai fumé à me bruler les doigts, avec un serveur qui devait savoir vivre car il venait au refuel dès que nécessaire (votre scribe à une descente réservée aux cyclistes sous EPO) . J’étais bien au chaud, allongé, légérement alcoolisé, les saveurs de ce Hoyo partout, calme, détendu.
J’étais perdu dans des volutes douces, boisées, épicées, abondantes, et sur l’instant diablement séductrice. J’ai joué avec la fumée comme un gamin avec une petite voiture, et que dire ? Dans l’instant, je crois deux bonnes heures, la corrélation était parfaite.
Ce jour là, j’ai promis au Hoyo Double Co de lui rester fidéle, et j’ai presque réussi. N’empêche que comme tout cigare, ce qui compte c’est son moment, et celui là c’était un vrai plaisir égoiste. J’étais là, épuisé, repus, et heureux. Grâce à un cigare.
Je sais que techniquement, c’est pas le meilleur, que techniquement, il est doux, que techniquement, il est linéaire. Je sais tout ça. Mais je m’en fous. Comment dire, lui et moi, on fonctionne bien ensemble, et il me fait des choses et l’hommage est rendu.
Un commentaire
Merci pour cette brève mais relaxante escapade.
Un transat a effleuré mon séant, une bise ensolleillée m’a caressé la joue et de précieuses volutes boisées chatouillé mes narines.
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